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michel maffesoli - Page 3

  • Le temps des peurs...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un nouvel essai de Michel Maffesoli intitulé Le temps des peurs

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019), La faillite des élites (Lexio, 2019) ou  L'ère des soulèvements (Cerf, 2021).

     

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    " Nos peurs peuvent-elles être instrumentalisées ? Oui, répond Michel Maffesoli qui montre comment une élite centrée sur les anciennes valeurs productivistes et individualistes " invente " sans discontinuer de nouveaux dangers, pour normaliser et contraindre les comportements individuels.

    La peur est un sentiment intemporel, propre à une espèce humaine consciente de sa finitude. Dans le passé ces émotions ont été régulées par diverses croyances religieuses et par des rites collectifs. La modernité a développé une idéologie du progrès, laissant accroire que l'homme pouvait éradiquer le mal, vaincre la maladie, voire la mort.
    La gestion de la " pseudo-pandémie " s'est inscrite dans cette idéologie scientiste, rationaliste et les diverses élites au pouvoir (politiques, hauts fonctionnaires, experts médiatiques et médiatisés) ont amplifié les dangers, pour justifier la restriction des relations sociales et ce qui constitue en général l'essence de l'Être-ensemble.
    L'auteur analyse ici la stratégie utilisée par le pouvoir : déni de la mort et de la finitude, utilisation de la scène médiatique, stigmatisation de tout mise en cause de la doxa. Il s'attache à inscrire cette critique dans l'idéologie moderne qu'il estime dépassée par les changements de valeurs à l'œuvre dans la société de base.
    Les divers mouvements de rébellion du peuple s'inscrivent en effet dans un refus de l'idéologie progressiste et réhabilite un ordre naturel que la modernité avait cru dépassé. Nous assistons un retour de la Tradition. "

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  • Violence sociale : la lucidité de Dionysos...

    Le 19 décembre 2022, Rémi Soulié recevait, sur TV libertés, Michel Maffesoli à l'occasion de la réédition de son essai, L’ombre de Dionysos (Cerf, 2022).

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

                                                 

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  • Sécessions adolescentes : les nouveaux mutins de Panurge...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul-Élie Aengler cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux sécessions adolescentes au sein du système éducatif de l'archipel français...

     

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    Sécessions adolescentes. Les nouveaux mutins de Panurge

    S’il est un lieu où chacun peut observer les nombreuses et diverses sécessions qui traversent la France, c’est bien l’école. Tout professeur en a conscience : l’école n’est plus le moule civique et culturel qui « fabriquait » des Français. Bien au contraire, c’est désormais à l’institution scolaire et au savoir académique de s’adapter à « l’archipel français », pour reprendre l’expression de Jérôme Fourquet.

    Dans toutes les salles de classe, les nouveaux clivages culturels et ethniques apparaissent aujourd’hui de manière évidente. Certes, cela fait longtemps que les sociologues analysent les différentes tribus adolescentes qui peuplent depuis Mai 68 les cours de récréations des collèges et des lycées : « gothiques », « geeks », « racailles », « rockeurs », autant d’affiliations possibles pour adolescents en quête d’une identité à la fois grégaire et rebelle. Ces clans formaient jadis un ensemble de contre-cultures opposées à la culture officielle condamnée depuis Bourdieu comme « bourgeoise » par toute une partie du corps enseignant lui-même. Pourtant, la situation actuelle offre aux yeux du professeur attentif quelques traits inédits.

    Cultures et contre-cultures scolaires

    C’est la culture classique qui n’existe plus, du moins en tant que culture de référence, que ce soit parmi les élèves ou dans le contenu des enseignements. À l’exception de quelques grands lycées de centres-villes, la plupart des élèves n’ont pas la moindre idée de son importance. Leur propre civilisation leur est désormais essentiellement étrangère, puisqu’elle est assimilée à une simple collection de vieilleries dénuées de sens : à quoi bon Molière ou Descartes alors que leur compréhension nécessite un effort que la tyrannie de l’immédiateté a aboli ? Tout converge vers une simplification de la langue. Ce phénomène explique l’effondrement de la maîtrise de la langue française, mère de toutes les sécessions scolaires. À cet égard, on peut se reporter au précieux réquisitoire du professeur René Chiche dans La désinstruction nationale (2019, Ovadia). Celui-ci a le courage de parler de « quasi-illettrisme » pour désigner cette implosion de la langue commune constatée lors de la correction de centaines de copies du baccalauréat « écrites en un charabia qui emprunte vaguement au français comme à une langue étrangère ».

    Quant aux professeurs, soit ils ne connaissent plus cette culture de référence, soit ils en ont honte ou sont forcés de s’avouer vaincus par l’esprit du temps : l’autocensure et la simplification du savoir triomphent, fût-ce au prix d’un énième renoncement. Certes, il y a encore quelques chaînes de transmission qui fonctionnent, quelques élèves attentifs à ce legs du passé, mais ces élèves ne font que survivre dans un univers désormais hostile à l’idée d’une hiérarchie culturelle. C’est la grande bascule : l’ancienne culture de référence est devenue une contre-culture minoritaire à l’école, un des nombreux ilots de l’archipel scolaire – et ce parmi les élèves et les professeurs. Voilà la première condition de la sécession, lorsque la norme devient l’exception et l’exception la norme.

    Parmi toutes ces contre-cultures qui se font face, n’y en-a-t-il aucune qui ne tende alors à dominer les autres ? Il serait naïf de ne pas le croire, car la nature a horreur du vide. Dans la plupart des établissements, l’évolution démographique a tranché : c’est désormais l’Islam, même mal connu et parce que mal connu, ainsi que la culture rap qui dominent les mentalités. Concernant l’Islam, la plupart des élèves accordent à la religion musulmane le prestige que la catholique assumait jadis : dans les cours de biologie et de philosophie, la nouvelle norme du sacré est bien islamique. Combien de professeurs ont-ils affronté l’incrédulité généralisée concernant l’évolutionnisme ? Et parce qu’authentiquement sacrée aux yeux de la plupart des élèves, musulmans ou non, c’est une norme avec laquelle il faut nécessairement composer, en tant qu’élève dans la cour de récréation et en tant que professeur dans la salle de classe.

    Sur le Coran, ma mère !

    Le cours de philosophie sur la religion se résume souvent à un défi insurmontable. Impossible de rester dans le cadre théologique chrétien, pourtant parfaitement acclimaté à la rationalité grecque, puisque ces références sembleraient exclure les élèves de confession musulmane et que tous les élèves, non-musulmans compris, trouveraient à y redire. Impossible également de discuter des dogmes et textes musulmans, puisque le professeur oserait s’immiscer dans la sphère du sacré partagée par la plupart des élèves : la nouvelle bigoterie est d’origine coranique mais intériorisée par tous. Les « wallah » et « sur le Coran » constituent d’ailleurs la trame de fond des récréations comme des interclasses. Plus étonnant, les enseignants découvrent à quel point certains élèves chrétiens en minorité revendiquent avec fierté la pratique du carême, copiant inconsciemment celle d’un ramadan devenu prépondérant dans de nombreux établissements. C’est donc la déférence vis-à-vis de l’Islam qui sert de référence commune de remplacement.

    Concernant la culture rap, qu’il est désormais absurde de qualifier de « contre » culture, son hégémonie est incontestable, y compris dans les lycées plus bourgeois où le survêtement et le rap ont depuis quelques années écrasé la concurrence. Les paroles et l’imaginaire de ce genre musical lui octroient désormais le monopole de la subversion, de la véhémence et de la virilité. La victoire est donc revenue à la tribu la plus agressive. Mais dans les lycées périphériques, exhiber cette obédience n’est pas seulement un signe de bon goût adolescent, c’est surtout un moyen d’intégration, voire de survie sociale. Pour les garçons, adopter les codes sociaux du groupe dominant laisse espérer une immunité contre le harcèlement. Les filles elles-mêmes ne s’y trompent pas : adopter les codes de la « rue » est un mécanisme de défense fort efficace pour se faire respecter.

    La colonie de nos colonies

    Évidemment, cette nouvelle culture dominante à mi-chemin entre la Mecque et les États-Unis a un même terreau : l’immigration massive des dernières décennies. « La Grèce conquise a conquis son farouche vainqueur », disait Horace (Épîtres, II) : par l’un de ces retournements dialectiques dont l’histoire a le secret, les descendants des populations anciennement colonisées imposent désormais consciemment et inconsciemment leur spiritualité et leur esthétique aux autochtones qui se doivent de faire allégeance. Le nomadisme identitaire a remplacé la culture sédentaire anciennement majoritaire, puisqu’il est désormais honteux de ne pas avoir d’origines : quand on est un « petit Blanc », on en vient à déterrer des aïeuls italiens ou polonais pour cultiver son extraterritorialité.

    Ainsi, à l’école, les minorités devenues majoritaires sont maintenant capables de tyranniser la majorité devenue minoritaire. Cette matrice sécessionniste à laquelle tout le monde semble se résigner a de nombreuses répercussions, y compris pour les rares familles qui semblent encore y échapper : contournement de la carte scolaire, établissements privés, cours particuliers. C’est alors le tribalisme multilatéral qui surgit pour compenser la désaffiliation culturelle, ainsi que le notait déjà Michel Maffesoli dans Le temps des tribus (1988) : « Le tribalisme rappelle l’importance du sentiment d’appartenance à un lieu, à un groupe, comme fondement essentiel de toute vie sociale. » Et dans les lycées lambda, les tribus adolescentes sont en passe d’être submergées par la plus prosélyte et la plus féconde d’entre elles. Au monde de Michel Maffesoli, répond ainsi celui de Philippe Muray, matons et mutins de Panurge.

    L’école et le monde de demain ne seront pas le paradis de l’intersectionnalité mais l’enfer de l’incommensurabilité : un espace conflictuel sans culture véritable, c’est-à-dire sans commune mesure capable de transcender les tribus particulières.

    Paul-Élie Aengler (Site de la revue Éléments, 11 octobre 2022)

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  • Disparition de François-Bernard Huyghe, un phare en pleine tempête...

    Nous reproduisons ci-dessous un hommage rendu par Goulven Laënnec à  François-Bernard Huyghe, décédé le 1er septembre dernier. Goulven Laënnec est professeur de philosophie et étudie en particulier la post-modernité et les transmutations qu’elle produit dans la pensée, l’art et les idéologies.

     

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    Disparition de François-Bernard Huyghe, un phare en pleine tempête

    Un brillant analyste

    François-Bernard Huyghe qui vient de disparaître nous laisse une œuvre considérable, faite de livres, de conférences, d’articles dans des revues et magazines, de posts sur son blog, d’interviews réalisées à la télévision ou dans des publications. A l’instar de son père René Huyghe, dont l’œuvre de « Psychologie de l’Art » (titre de sa chaire au Collège de France) constitue à côté de celle de Malraux une somme exceptionnelle pour l’interprétation et la compréhension, esthétiques mais aussi philosophiques, de ce qui a été l’Art qu’on appelle de façon restrictive occidental, celle de François-Bernard Huyghe forme un corpus cohérent de connaissance de ce qu’on pourrait appeler l’idéologie du leurre, arme essentielle de l’hégémonie sur le monde.

    François-Bernard semble avoir eu un parcours atypique dès sa jeunesse : brillant comme il l’était, il n’a pas préparé de concours d’entrée à de grandes écoles, mais fait des études de droit et de politologie. Sceptique sur les utopies ou les contre-utopies comme il l’a montré, on dit qu’il a participé à des actions de barrage aux milices « révolutionnaires » de l’époque à l’université sans pour autant avoir paru adhérer à un mouvement, notamment sur le plan intellectuel.

    Comme un ethnologue étudie les cultures des civilisations, comme un historien de l’Art étudie les créations des artistes, François-Bernard avait entrepris d’étudier les discours du faire croire de ceux qui exercent le leadership.

    La Soft-idéologie, le premier d’entre eux était dès 1987 l’un des rares livres qui prévoit de façon impressionnante – avant la chute de l’URSS et la métamorphose du « monde libre » en planète – la conjonction des trois victoires irrésistibles qui ont forgée dans la décennie 90 la doctrine de l’upperclass peu à peu dirigeante : victoire idéologique et culturelle de l’extrême-gauche sur les idées conservatrices, nationales ou sur la nouvelle droite ; victoire économique de l’extrême libéralisme financier mondialiste sur les socialismes ; victoire politique de la position centriste, devenant l’extrême-centre, sur les positionnements partisans à gauche ou à droite. Tout cela accompagné par la lutte des classes, qui renverse (sans révolution violente apparente) la classe dirigeante, la bourgeoisie industrielle, et la remplace désormais par la caste issue de la fusion entre banquiers, directeurs de fonds et de grandes entreprises, et hauts-fonctionnaires.

    C’est de l’amalgame improbable et surprenant de cette triple victoire qu’est née un monstre ou une chimère, l’idéologie mère du « neo-cons », c’est-à- dire du néo-conservatisme américaine (qui n’a rien à voir avec la Konservative Revolution). Elle inspire la politique d’hégémonie exclusiviste des États-Unis d’Amérique sur le monde, et en premier lieu sur le dominion confus qu’est l’Europe, conquise dès l’opération Overlord, mais également sur le Moyen-Orient, l’Asie du Sud Est, le Japon etc.

    La soft-idéologie, qui « mêle gestion conservatrice et rêves soixante-huitards » est l’expression d’un désarmement intellectuel et moral subliminal obtenu par l’utilisation du soft-power que donne d’une part l’american way of life avec Holywood, Coca-Cola, Boeing, Disney, IBM, Mac Donald, Levi’s, etc. d’autre part l’influence symbolique (les MBA à Harvard, Stanford, Berkeley, et leurs alumni, etc).
    Elle légitime tout ce que peut annoncer la « pensée unique » qui déjà exclut subrepticement toute possibilité d’objection, a fortiori d’opposition, rejetées comme forces de désordre voire de violence. C’est la continuation du « terrorisme intellectuel » pratiqué durant la IVème République, mais en beaucoup plus malin. Il s’agit d’intensifier la pratique de la censure et l’exclusion, mais sans interdit visible, imposé par la coercition, par un discours soft consensuel, résigné et hédoniste. François-Bernard Huyghe en renvoyant au monde cette image stupéfie tous les « leaders d’opinion », qui lui emboite le pas pour les plus intelligents, ou grimacent pour les autres, scandalisés par cette irrévérence qui congédie leurs répétitions à satiété des dogmes sur lesquels était assise leur autorité.

    Un travail essentiel

    La Langue de coton qui suivra décrit très concrètement les techniques et les méthodes oratoires et rédactionnelles qu’emploie les dominants pour asseoir leur pouvoir. « La langue de coton a le mérite de penser pour vous, de paralyser toute contradiction, et de garantir un pouvoir insoupçonné sur le lecteur ou l’auditeur. » Elle confère donc l’autorité, qui donne le plein pouvoir.

    Par la suite, lorsque la soft-idéologie et sa langue de coton sont captés par les nouveaux maîtres de l’univers néo-libéraux (qui n’ont rien de libéraux) après le crash du monde socialiste, François-Bernard Huyghe oriente sa pensée dans trois directions : l’histoire des mythes eurasiens, constitués par le mixte des informations et désinformations qui circulent le long des routes de la soie ou des épices ; la médiologie, fondée par Régis Debray, qui étudie comment les idées sont formatées par leur véhicule de transmission ; l’analyse en live des phénomènes d’intoxication qui apparaissent avec la révolution numérique et la vogue des réseaux sociaux, ou se transforment avec elle : cyber, terrorismes, influences géopolitiques, à laquelle il se livrera avec l’IRIS, think-tank dédié à l’étude des stratégies internationales.

    Les ouvrages incontournables qu’il publie selon ces trois perspectives sont donc notamment La route de la soie ou les empires du mirage, Les Coureurs d’épice, d’une part. Maîtres du faire croire, de la propagande à l’influence, L’ennemi à l’ère numérique, La Désinformation, L’Art de la guerre idéologique, et son dernier livre, La Bataille des mots ; La Quatrième guerre mondiale, Le terrorisme, violence et propagande, Réflexions sur le Cyber, Fake-News, etc.

    Cette œuvre apparait très cohérente de bout en bout : elle éclaire pour les dénoncer les nouveaux pouvoirs qui utilisent les techniques de la persuasion et de la subjugation pour s’imposer sans avoir à user de la coercition, coercition qu’ils savent pourtant utiliser contre les soulèvements, comme on a pu le voir ces temps derniers.

    En cela, François-Bernard Huyghe, qui a conçu sa propre discipline, est un des grands penseurs de la modernité et de la post-modernité : avec Marshall Mc Luhan, Jean Baudrillard, Régis Debray, Gilles Lipovetski, Raymond Boudon, Michel Maffesoli…

    Il se trouve sur un échiquier de plusieurs thématiques essentielles. Ainsi il fait partie de ceux qui se sont consacrés à l’étude de la production d’une réalité virtuelle destinée à doubler la réalité pour la masquer et rendre dépendants les gens. Ensuite, il prend la suite de tous ceux qui se sont attachés à décrire les mécanismes des propagandes de guerre, et dont il prend la suite, il explique l’évolution et la professionnalisation de ces règles. Enfin il rend compte des modalités d’influence sur les opinions, et même de la façon dont on parvient à prendre le contrôle des consciences des individus et des foules, par des processus qui ressemblent aux phénomènes de contagion et d’imprégnations (impreatment) dans la biologie.

    Et il étudie de façon clinique en renversant les perspectives les opérations de terrorisme, de complotisme etc., acceptant de les commenter « à chaud » sur  les chaines télévisées d’information continue par exemple.

    Son but est de dessiller les yeux, pour permettre de voir. Il ne construit pas de doctrine politique ni de philosophie. S’il a une doctrine politique, ce serait probablement celle de George Orwell, qui n’en avait pas hormis celle de refuser la domination de Big Brother. Et s’il a une philosophie, ce serait sans doute celle de Clément Rosset. Ce philosophe essaie de penser le réel sans échappatoire sous forme de monde parallèle : le réel est ce qui est, sans double. Le trompe-l’œil du double exprime le refus du réel ou la volonté de tromper. D’où une conception joyeuse et tragique tout-à-la fois. C’était sans doute celle de François-Bernard Huyghe, dont l’œuvre apparait à la fois objective et dépourvue d’émotivité et en même temps empreinte de gaité, d’ironie et d’humour.

    Tous ceux qui s’opposent à la dénaturation des esprits entreprise pour obtenir une déconstruction chaotique des civilisations suivront encore longtemps les analyses clairvoyantes de François-Bernard Huyghe.
    Il reste un phare puissamment allumé alors que nous naviguons dans la tempête.

    Goulven Laënnec (Polémia, 24 septembre 2022)

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  • La revue de presse d'un esprit libre... (53)

     

     

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    La revue de presse de Pierre Bérard

    Au sommaire :

    Fulgurante analyse de Guy Mettan sur la guerre russo-ukrainienne et ses conséquences prévisibles. Cet ancien rédacteur en chef de La Tribune de Genève rétablit la chronologie des évènements, montre le succès de la gigantesque opération psychologique à laquelle se sont livrée les médias occidentaux et surtout en décrit les conséquences à savoir le déclassement de l’Europe et sa totale servitude aux intérêts américains :

    https://guymettan.blog.tdg.ch/archive/2022/04/01/les-dessus-et-les-dessous-de-la-guerre-en-ukraine-321227.html

     
    Bonne vidéo sur le récent colloque de l’Iliade :
     
     
    Plus une courte vidéo sur les formations dispensées par l’Iliade. N’hésitez pas à la diffuser à vos connaissances :
     
     
    Revenant sans cesse aux étymologies grecques ou latines des mots qui touchent au politique, Michel Maffesoli dans cet entretien avec TV-liberté pour la quatrième réédition de La transfiguration du politique revient aux enseignements de son maître Julien Freund : à l’origine la politique consiste à bien gouverner sa maison. Pour les Grecs seuls méritent d’être élus pour gérer la maison commune ceux qui ont fait leur preuve dans la gestion domestique. Aujourd’hui la politique n’est plus liée au réel, c’est à dire attachée à la gestion de ce que nous vivons concrètement, elle s’est abstraite de tout cela; c’est le sens profond du mot transfiguration. La politique est devenue une théâtrocratie, c’est le mot qu’utilisait Platon pour signifier la dégénérescence de la démocratie. Ce théâtre de la caste politique est de plus en plus éloigné des préoccupations des électeurs, il est déraciné. À ce propos il évoque Guy Debord (« société du spectacle ») et Jean Baudrillard (« simulacre »). L’accent des discours politiques est mis de ce fait sur le « pathos » et non plus sur la « ratio », c’est le règne de l’émotion encourage par un hyper moralisme. Entretien très intéressant :
     
     
    « L’immonde dans lequel nous survivons » par Rémi Soulié. Une excellente vidéo produite par le zoom de TV-Liberté :
     
     
    Le point de vue de François Bousquet à l’issu du premier tour :
    « Quelques considérations politiques en ce lendemain de 1er tour :
    1. La France est un vieux pays, mais c’est surtout un pays de vieux. Si les plus de 65 ans n’étaient pas allés voter, on aurait eu droit à un second tour Marine Le Pen - Jean-Luc Mélenchon. La France est une gérontocratie vaccinale. Elle redemande une dose.
    2. Éric Zemmour s’est trompé de public. Il est revenu à son périmètre de départ : les pics d’audience de Cnews. Or ce n’est pas Médiamétrie qui dépouille les bulletins de vote. Ni le Trocadéro qui fait déplacer le populo. Doit revoir sa copie.
    3. Valérie Pécresse a été élue par défaut à la primaire LR et battu par KO à la présidentielle. Deux tiers Merkel, un tiers Thatcher, zéro de Gaulle. Quand elle donne des coups de menton, elle ne fait trembler que la vaisselle. C’est tout. Qui y a jamais cru ?
    4. Les acquis fondamentaux validés, Marine Le Pen a fait jouer la seule logique en temps de crise : « Qui est le moins cher ? », le comparateur de prix des Leclerc. La marque Repère dans une France sans repère. À deux euros le litre, les GJ votent avec leur voiture.
    5. Terra Nova a gagné à gauche, mais ce n’est pas le PS qui a raflé la mise, c’est LFI. À 49 % dans le 93 et 47 % dans le 20e, l’islamo-gauchisme s’éclaire. Naissance du Mélenchonistan, nouvelle force politique. La Mecque à Paris Plages, la colline du crack en perspective».
     
    Les matins de France culture donnent la parole à François Bousquet qui trace le bilan des dernières élections. Selon lui tous les populistes sont animés par un comportement d’échec et il prévoit en conséquence une défaite de Marine Le Pen au second tour. Par ailleurs il souligne que « lunion des droites » est un mythe sans consistance qui essaie de traduire en terme politique l’énergie qui a surgi de « La manif pour tous », celle d’une bourgeoisie qui se voudrait traditionnelle mais qui a l’arrivée préférera toujours son confort à l’aventure. Bousquet pense que seule est d’avenir une politique qui s’inscrira dans le schéma proposé par Guilluy et Jérôme Sainte-Marie d’une sociologie qui oppose les classes populaires toujours plus appauvries à la couche des privilégiés de moins en moins nombreuse et de plus en plus rapace.
     
     
    Jean-Yves Le Gallou s’entretient avec François Bousquet et se livre à une sorte d’autocritique de la campagne Zemmour à laquelle il a participé. Son appréciation, par ailleurs excellente, note que la campagne Zemmour au delà de ses aléas a contribué de toute évidence à déplacer la fenêtre d’Overton et à imposer le thème du « grand remplacement ». Métapolitiquement c’est un succès. Cette campagne, même si ses retombées électorales apparaissent décevantes, a permis dengranger des dizaines de milliers de militants jeunes, enthousiastes et bien sûr beaucoup mieux éduqués que les maigres phalanges de Marine Le Pen. Cet ensemble est un gage d’avenir, même si toutes les institutions sont rongées par la propagande de l’esprit woke. En fin d’entretien Le Gallou parait croire à une communautarisation des autochtones. Ce pourrait être un débouché face aux procédures électorales qui semblent de plus en plus bouchées :
     
     
    Marcel Gauchet invité sur les ondes d’Europe 1 détaille un bon diagnostic sur le second tour des présidentielles. Pour lui « Marine Le Pen représente une droite autoritaire, nationale et populaire, qui évoque furieusement les débuts du gaullisme. Elle n’est pas d’extrême droite. On gagnerait à le reconnaître » :
     
     
    Lionel Baland résume à gros traits la substance d'un livre de Benedikt Kaiser sur le patriotisme solidaire qui dénonce la dérive d’une partie de la sphère patriotique allemande vers le néo-libéralisme. Benedikt Kaiser est éditeur et membre de la nouvelle droite allemande :
     
     
    Sur le site d’Éléments une belle réflexion de François Bousquet sur Pier Paolo Pasolini et son rapport aux mythes :
     
     
     
     
    I-média du 14 avril. L’émission de Jean-Yves Le Gallou est principalement consacrée à la re-diabolisation de Marine Le Pen. Le paratonnerre Zemmour ne fonctionnant plus la rengaine bien connue du retour du fascisme se détourne sur Le Pen. On nous joue ce tintamarre depuis des décennies. Bien que peu de gens aient une mémoire incluant ce que fut le fascisme réel, aient été forcé de boire de l’huile de ricin et aient été bastonné à coup de manganello. On citera un expert en la matière, monsieur Jospin, qui reconnaissait que le soi disant « fascisme » de 2002 n’était que comédie. Fasciste est une invective commode quand on se refuse à réfléchir sur ce qui nous arrive :
     
     
    Pierre Brochand (HEC, ENA) ancien directeur général de la Direction générale de la sécurité extérieure de 2002 à 2008 a publié dans Le Figaro un article important sur l’immigration de masse et ses conséquences prévisibles. Résultat de ces propos chocs dans les médias : à peu près rien. Analyse de l’OJIM :
     
     
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  • Vers la fin d'un État central qui impose sa norme à tous les citoyens ?...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Maffesoli, cueilli sur Figaro Vox et consacré aux émeutes en Corse, provoquées par la tentative de meurtre commise en prison sur Yvan Colonna par un détenu djihadiste.

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

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    Michel Maffesoli: «L'autonomie corse ou la fin d'un État central qui impose sa norme à tous les citoyens»

    Les soulèvements, appelés à se développer, soulignent le refus d'une société aseptisée, dans laquelle ce qu'Étienne Balazs nommait la «bureaucratie céleste» impose, d'une manière abstraite, ce qu'elle considère comme étant le bien absolu. La verticalité du pouvoir surplombant n'est plus chose aisément admise. C'est bien ce que nous apprennent les nocturnes révoltes de l'Île de Beauté. Mais pour saisir ces phénomènes, il faut savoir prendre du recul.

    Le soulèvement en Corse a été déclenché selon un scénario maintenant habituel : un évènement tragique, l'agression d'Yvan Colonna par un détenu emprisonné pour terrorisme islamiste. Notons que cette agression d'un «condamné» par un terroriste n'a pas été vraiment relevée par les observateurs. Il montre tout simplement qu'un détenu n'équivaut pas à un autre détenu, il n'y a pas de fraternité entre des détenus issus de communautés aussi différentes. Le monde carcéral est le miroir des différentes tribus qui fragmentent notre société. Le service public de la pénitentiaire, obéissant aux principes du service public issus de la modernité, ne prend pas en compte ces différences, il considère que tous les usagers de la prison sont identiques. Certes il doit y avoir égalité de traitement entre tous les détenus[1], mais la vie en commun en prison doit tenir compte des amitiés et inimitiés possibles entre groupes différents et pas seulement du statut de détenu, dangereux, particulièrement surveillés etc.

    Cette agression d'Yvan Colonna a été le déclencheur d'un mouvement de protestation qui a emprunté les principaux symboles des soulèvements corses, notamment l'extrême violence. Même si les jeunes gens qui se soulèvent, brûlant voitures et bâtiments publics, sont d'une génération qui n'a pas connu les mouvements autonomistes violents et pour qui Yvan Colonna représente plus un héros d'une épopée passée qu'un chef de parti.

    C'est pourquoi ces soulèvements mettent en relief les différentes caractéristiques du changement d'époque que nous vivons, le passage de la modernité à la postmodernité, d'une société d'individus unis par le contrat social et la toute-puissance de l'État central à une société tribalisée dans laquelle le défi est la coexistence de ces différentes tribus dans un consensus à construire.

    Quelles sont les principales caractéristiques de ce soulèvement corse ?

    Tout d'abord, le combat corse est dirigé contre l'État, l'État central, l'État jacobin. Il n'est pas anodin de voir que les soulèvements contre l'État central et contre le pouvoir régalien (police, justice, pénitentiaire) s'exacerbent après deux ans d'une crise sanitaire interdisant tout rassemblement, voire toute mise en relation au-delà du tout petit cercle de la famille nucléaire. On le sait, la Corse est une région dans laquelle les solidarités familiales, avec la famille élargie, le «clan» sont fortes et on imagine que l'isolement des anciens dans les villages, sans visite des plus jeunes, a produit une forte irritation. La gestion autoritaire de cette crise sanitaire, la stratégie de la peur a entraîné de multiples soulèvements.

    Ce n'est pas la France qui est brocardée par les émeutiers, mais l'État central français. Et il importe de bien faire la distinction. L'homme politique Pupponi a dit récemment «l'État central n'a jamais aimé la Corse». On pourrait d'ailleurs dire qu'il n'a jamais aimé non plus l'Alsace, ni la Bretagne comme il n'aime en général pas toute affirmation d'un «idéal communautaire».

    Le nationalisme corse est emblématique de ce qu'est un nationalisme non étatique : nationalisme vient du latin, nascere, naître, on fait partie d'une nation parce qu'on est né ensemble dans ce lieu-ci. Comme je le dis souvent, le lieu fait lien. Mais il ne s'agit pas d'un nationalisme de la race ou du sang, mais bien d'un nationalisme du sol, du sol local. Ce nationalisme-là n'est pas tant un nationalisme individuel (je suis Corse), mais plutôt signe l'appartenance à un lieu, à une histoire, à un destin commun qui dépasse les individus.

    L'autonomisme corse, breton, alsacien, ne sont pas dirigés contre la France, mais contre l'idée que le seul représentant de la France serait l'État central.

    En ce sens la revendication d'autonomie touche l'étatisme centralisateur qui est rejeté par tous les Français, pas seulement ceux issus d'une région traditionnellement autonomiste. Le retour des territoires, du «terroir», de la ruralité participe de la même évolution.

    C'est le retour de l'idéal communautaire. Idéal communautaire largement hybridé : la Nation c'est là où on est né, ou plutôt là où l'on fait souche. Où l'on s'implante.

    Cette revendication de territoires ou de communautés d'appartenance est bien celle d'une autonomie : avoir pour sa communauté ses propres lois, en ce qui concerne la vie quotidienne : la langue parlée et enseignée à côté de la langue française, le respect des coutumes locales, du patrimoine local, le refus du rouleau compresseur d'un universalisme homogénéisant. Mais les territoires autonomes comme les communautés autonomes vivent dans un pays, voire un ensemble de pays qui peuvent former ce qui s'apparenterait à un empire, au sens non pas de l'empire napoléonien ou de l'empire colonial, mais plutôt de l'empire romain ou de l'empire austro-hongrois voire du Saint Empire romain germanique. Une constellation de nations.

    Cette vision rejoint d'ailleurs la question de l'idéal communautaire que j'ai largement développée : car les appartenances aujourd'hui sont multiples, loco-nationales au sens de ces autonomies, mais plus diverses et plurielles, religieuses, culturelles, sportives, altruistes etc. C'est d'ailleurs paradoxalement cette diversité qui pourra donner naissance au-delà de la République Une et Indivisible, à laquelle nous sommes habitués, à une res publica s'exprimant dans une sorte mosaïque. Les communautés diverses apprenant à se côtoyer, à se «frotter» les unes aux autres, à se supporter. Bien sûr, la revendication communautaire ou autonomiste est pour part excluante et le nationalisme corse ne manque pas d'affirmations de ce type d'intolérance à l'autre. Mais la question républicaine aujourd'hui est bien plus de trouver des formes de mise en œuvre de cet «idéal communautaire»[2] que de brocarder le «communautarisme». On peut être Français et Corse, et Alsacien, comme d'ailleurs on peut être musulman et amateur de foot, catholique et fan de tel ou tel groupe musical etc.

    Force est de constater aussi que ce mouvement est largement répandu dans le monde : parlons des Écossais, des Gallois par rapport à la Grande Bretagne, mais aussi des territoires russophones de l'est de l'Ukraine justement. S'opposer à l'autonomie, vouloir brider cette énergie nationaliste risque, on le sait, de nous entraîner dans une spirale agressive voire guerrière. Bien sûr l'État français ne bombarde pas la Corse et celle-ci ne se fait protéger par aucune autre puissance, la comparaison s'arrête là.

    Autre caractéristique donc de ce soulèvement corse : son expression émotionnelle.

    L'expression émotionnelle, fût-ce sous forme violente est aussi dans l'air du temps. Et rien ne sert de vouloir la contenir à jets de satisfactions de pseudo-revendications. Le vouloir-vivre ensemble ne s'achète pas.

    Bien sûr les jeunes Corses peuvent se vanter «d'avoir obtenu plus en cinq jours d'émeutes que les élus autonomistes de l'île en cinq ans». Il n'empêche, comme le mouvement des «gilets jaunes», comme les manifestations contre le passe sanitaire, celles contre le masque, celles contre la politique sanitaire du gouvernement, ce sont des mouvements avant tout faits pour exprimer une énergie de l'être-ensemble, sa puissance, ce que j'appelle la puissance populaire.

    On retrouve les «Jacqueries de la Grande Peur» : alors même que la Révolution avait mis au pouvoir des représentants du Tiers État, le peuple n'a pas eu confiance en cette révolution institutionnelle et s'est imaginé qu'il y avait derrière cela un complot, celui des puissants, des aristocrates, du roi etc.

    La nuit du 4 août pensa y répondre, mais elle n'éteignit pas tout à fait la Grande Peur. Et ces soulèvements, ces émeutes ont été le prélude à une période de plus en plus violente, répression des Chouans, Terreur etc.

    Alors comment répondre à ces mouvements ?

    Sans doute une réponse d'en haut n'est-elle pas opérationnelle. Accorder le statut d'autonomie à l'île, sûrement, mais à condition que celui-ci ne soit pas une coquille vide institutionnelle, mais permette aux forces vives locales, corses d'exprimer ensemble leur puissance, leur créativité.

    Sachant aussi que nous sommes dans un monde mondialisé et nomade et que l'idéal communautaire ne peut pas se réduire à l'exclusion et à la purification des locaux. Doivent être Corses (ou Alsaciens, Bretons, Catalans, ou Occitans etc.) ceux qui symboliquement s'inscrivent dans cette «geste-là, dont l'initiateur en Corse fut Pascal Paoli.

    L'autonomie ne signifie pas seulement donner plus de pouvoir aux régions, aux départements. Elle ne signifie pas seulement leur donner compétence pour décider des lois relatives à l'éducation, à la santé, à tout sujet non régalien. L'autonomie appelle un profond changement de l'État central, du centralisme technocratique. Car ces soulèvements visent autant les hauts fonctionnaires, l'État profond que les représentants politiques. Ils en appellent autant à un changement du mode de gestion des services communs que des institutions. Il s'agit, ni plus ni moins de trouver des modes d'expression à la puissance populaire pour remplacer des élites et un pouvoir largement déphasé. N'est-ce point cela, ce que Vilfredo Pareto nommait la «circulation des élites» ?

    L'autonomie est, comme l'a bien montré Gaspard Koenig la simplification extrême, la discrétion de l'État, l'abolition des multiples normes nationales, européennes. C'est la restauration d'un régime de confiance plutôt que d'un régime de précaution et de défiance.

    L'autonomie c'est la fin d'un État qui dit, pense et impose le bien à tous les citoyens, fût-ce contre leur gré.

    En ce sens ce n'est pas un hasard si la «crise» corse suit la crise sanitaire, c'est-à-dire la gestion d'une épidémie par la peur et l'imposition, ce que j'ai appelé un «totalitarisme doux».

    Michel Maffesoli (Figaro Vox, 16 mars 2022)

    Notes :

    [1] Ce qui n'est d'ailleurs pas le cas d'Yvan Colonna à qui la libération conditionnelle est systématiquement refusée et qui n'a pas pu jusqu'alors être incarcéré au plus proche de sa famille comme c'est la règle pour les longues peines.

    [2] J'emploie ce terme au sens que Hannah Arendt donnait à «l'idéal démocratique» : l'idéal type qui structure une société. Aujourd'hui comme je le dis depuis plus de 30 ans, la société est tribalisée. Cf Le Temps des tribus (1988) 4e édition, La Table ronde.

     
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