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michel maffesoli - Page 3

  • Les écrivains et la mer...

    Le quarante-deuxième numéro de la revue Livr'arbitres, dirigée par Patrick Wagner et Xavier Eman, est en vente, avec un dossier consacré aux écrivains et à la mer et un autres aux écrivains de Bourgogne et de Franche-Comté...

    La revue peut être commandée sur son site :  Livr'arbitre, la revue du pays réel.

     

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    Au sommaire de ce numéro :

    Éditorial

    Plaisirs solittéraires

    Coups de cœur

    Frédéric Bécourt

    Patrick Cloux

    Alexis Legayet

    Frédéric Vitoux

    Actualité

    Thierry Marignac

    Theombogü

    Dossiers

    Les écrivains et la mer

    Écrivains de Bourgogne et de Franche-Comté

    Entretien

    Christiane Rancé

    Christophe Bourseiller

    Jean-Pierre Montal

    Michel Maffesoli

    Renaud de Sainte-Marie

    Polar

    Thibaut Solani

    Simenon

    Jack Voukassovitch

    Jean-Michel Conrad

    Fabrice Finance

    Réédition

    Hamsun

    Inédit

    Epicure

    Saint-Loup

    Histoire - Panorama

    Culture Yiddish

    Cause noire

    Cuba

    Roland Laudenbach

    Biographie

    Janet Malcom

    David Labreure

    Essai

    Jean-François Roseau

    Gérard Oberlé

    Guillaume Vuillemey

    Stanislas Berton

    In Memoriam

    Pierre Loti

    Roland Jacquard

    Cinéma

    Jacques Lourcelle

    Entretien avec Pierre Cormary

    Alain Crescuicci

    Cinéma politiquement incorrect

    Laurent Cantet

    Film Fight Club

    Carrefour de la poésie

    Robert Brasillach

    Peinture en prose

    Poésie de Christine Desfeuillet et Grégory Rateau

    Littérature jeunesse

    Notre-Dame de Paris

    Bande dessinée

    Les trois mousquetaires

    Nouvelle

    Volontaire

     

     

     

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  • Le mythe de Perséphone...

    Les éditions du Verbe Haut viennent de publier un essai de Peggy Larrieu intitulé Le mythe de Perséphone - La femme et la mort, avec une préface de Michel Maffesoli.

    Peggy Larrieu est maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à l’Université d’Aix-Marseille. Elle mène depuis une quinzaine d’années ses recherches dans des domaines connexes à la discipline juridique. Elle a déjà publié plusieurs livres autour des thématiques du droit, des mythes et des neurosciences.

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    " Les poncifs actuels désignent le rôle de la femme dans la société occidentale comme étant en transition depuis mai 68, qui puise ses racines dans la Renaissance et les mouvements révolutionnaires. Or, Peggy Larrieu, dans ce livre novateur, montre que la place de la femme est en perpétuelle modification depuis les débuts de l’humanité. Pour ce faire, et de manière didactique, l’auteur part d’un principe aussi simple que puissant : la femme donne la vie, elle donne donc la mort. Et si la peur des femmes n’était, au fond, qu’une simple peur de la mort ?

    Si tel est le cas, la désacralisation de notre monde, par l’avènement du wokisme ou de la cancel culture, ne tenterait pas de « libérer la femme », mais bien de l’enfermer dans un monde dans lequel la mort serait l’étrange absente de la vie.

    À travers une analyse pertinente et inédite du mythe de Perséphone, Peggy Larrieu trace une véritable histoire de la femme à travers les âges. Enfermée, libérée, capturée, dominante ou dominée, cette figure ancestrale évolue au fil des changements anthropologiques. Patriarcat, matriarcat, influences orientales, créations juridiques, tous les éléments de la construction de notre civilisation sont étudiés pour faire résonner le rôle de la femme, ou de son absence, dans notre modernité.

    Puisant dans une riche littérature mythologique, anthropologique, sociologique et universitaire, Peggy Larrieu livre ici un ouvrage atypique qui semble proposer une sortie de crise par le haut : remettre l’altérité au cœur de nos vies. "

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  • Le progressisme et l'ère des lendemains qui chantent sont révolus !...

    Nous reproduisons ci-dessous un entretien donné par Michel Maffesoli au Figaro Vox dans lequel il évoque la fin du progressisme.

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019), La faillite des élites (Lexio, 2019),  L'ère des soulèvements (Cerf, 2021) ou encore, ces derniers jours, aux éditions du Cerf, Le Temps des peurs et Logique de l'assentiment.

     

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    Michel Maffesoli: «Le progressisme et l'ère des lendemains qui chantent sont révolus»

    LE FIGARO. - La modernité, du XVIIIe au XXe siècle, a été l'âge de l'individualisme et de la critique systématique. Selon vous, nous abordons une nouvelle époque, fondée sur l'assentiment, où l'on s'ajuste tant bien que mal au monde tel qu'il est, sans prétendre le modeler. C'est-à-dire ? Quelles sont les valeurs du nouveau monde qui vient ?

    Michel MAFFESOLI. - On a souvent craint, en France, la fin de ce que l'on appelle couramment «la modernité», c'est-à-dire ce mouvement qui a débuté au XVIIe siècle avec le cartésianisme, et qui décline depuis la moitié du XXe siècle. Aujourd'hui, nous entrons dans une nouvelle époque, que certains nomment la «postmodernité». Contrairement à la conception linéariste de l'histoire, qui imagine l'humanité dans un progrès constant, de la barbarie au triomphe absolu de la science, je considère personnellement qu'il y a des époques. La période moderne a reposé sur un trépied, le premier pied est l'individualisme, avec le «cogito ergo sum» de Descartes, le deuxième est le rationalisme, qui va prédominer avec la philosophie des lumières, et enfin il y a le progressisme, la grande idée marxiste des «lendemains qui chantent». De mon point de vue, ce tripode est en train de s'achever, de vaciller, d'une manière assez difficile. Nous sommes dans une période crépusculaire. Chacun pressent ce qu'on est en train de quitter, mais ne voit pas encore nettement ce qui émerge. Je soutiens l'hypothèse selon laquelle le «je» va être remplacé par le «nous», le rationalisme par le sentimentalisme, et le progressisme, les lendemains qui chantent, par le «il faut vivre l'instant présent».

    Durant mes années de professeur à la Sorbonne j'ai eu l'occasion d'étudier les jeunes générations, qui représentent l'avenir de la société. En regardant attentivement les pratiques juvéniles, on voit bien que c'est la communauté qui prévaut, le «nous». Ce n'est plus une conception purement rationaliste du monde, mais un partage des émotions, des affects, des passions. Il n'y a plus d'engagement politique, une vision de l'avenir, mais le besoin de se raccorder à cet instant éternel qu'est le présent.

    Qu'est ce qui a précipité la chute du modernisme ?

    Pour décrire ce déclin j'emprunte généralement l'idée de «saturation» au sociologue américain Pitrim Sorokin, qui s'est demandé comment une culture déterminée peut perdre son caractère «évident» et se dégrader petit à petit. En chimie, on parle de saturation lorsque les molécules qui composent un corps, pour diverses raisons, ne peuvent plus rester ensemble. Ce phénomène conduit à la déstructuration du corps, et à l'émergence d'une nouvelle structure. Ce n'est donc un pas une rupture mais une lente dégradation, et à un moment donné, tout ce qui fonctionnait ne marche plus, tout ce qui semblait évident paraît absurde. On voit aujourd'hui une multitude de phénomènes, qui montrent que l'on ne se reconnaît plus dans des valeurs communes. L'élite, qu'elle soit politique, économique, ou médiatique, est restée sur les schémas de l'époque moderne, mais le peuple ne se reconnaît plus dedans. Sorokin donne l'image d'un verre d'eau, qu'on peut saler sans que cela ne soit visible, jusqu'à un moment précis où la saturation devient évidente. Nous sommes actuellement au dernier grain de sel.

    Vous voyez dans cette logique de l'assentiment une forme de sagesse de la vie présente, de la vie de tous les jours, avec ses malheurs et ses joies...

    C'est toute la différence entre le dramatique et le tragique. La modernité était dramatique dans le sens où il y avait une solution. Toute l'analyse de Marx était de montrer qu'il y avait certes des problèmes, mais aussi des solutions, et que l'on allait vers une résolution générale de l'histoire. L'époque actuelle est davantage tragique, il s'agit de faire avec, d'accepter les problèmes. Le drame revient à dire «non» aux problèmes, la tragédie contient une forme d'acceptation. Cette résilience, qui consiste à s'accorder aux petites choses de l'existence, est une sagesse ancestrale qui fait son retour aujourd'hui.

    L'omniprésence des réseaux sociaux et la multiplication de l'offre de loisirs à domicile (Netflix…) ont-ils fabriqué ou amplifié ce phénomène ?

    Effectivement, les réseaux sociaux et autres plateformes confortent cette saturation. Il est intéressant de se pencher sur la période de la décadence romaine au IIIe et IVe siècle de notre ère. Pendant ces deux siècles, le christianisme n'était pas la religion des puissants, mais des soldats et des pauvres. Ce n'est pas ce culte qui était appelé à triompher, mais plutôt Mithra ou Orphée. Cependant, à un moment donné, la petite église de Milan a décrèté le dogme de la Communion des saints. C'est-à-dire que cette église de Milan était spirituellement liée à celle de Lutèce, de Rome, de Narbonne… C'est cette liaison qui va amener au succès incroyable du christianisme. Et aujourd'hui, me semble-t-il, internet est la Communion des saints post-moderne. Les communautés sont en liaison sur ces plateformes, et créent une véritable alternative, une nouvelle société. Le lien social repose aujourd'hui sur internet.

    Le mouvement des «gilets jaunes» ou les manifestations contre la réforme des retraites ne viennent-elles pas contrebalancer cette idée ? Une frange de la population semble continuer à vouloir changer le cours des choses ?

    J'ai écrit, il y a deux ans, le livre L'ère des soulèvements, dans lequel je prenais le contre-pied de l'historien britannique Hobsbawm, auteur de L'ère des révolutions, qui a été abondamment lu dans les années 70. Cet historien montrait que dans la tradition marxiste et avant-gardiste, il y avait l'idée selon laquelle le peuple allait fonder une société parfaite grâce à la révolution. Je pense que ce n'est aujourd'hui plus le cas, il n'y a plus cette tension révolutionnaire du peuple vers une société parfaite. Nous ne faisons plus face à des révolutions, mais à des soulèvements. C'est-à-dire que le peuple ne se lève plus pour établir une société idéale, mais parce qu'il en a marre. Les manifestations contre la réforme des retraites dépassent le simple cadre de la question des retraites, et renvoient à un mouvement social plus large que l'on a aperçu avec les «gilets jaunes». Ce mouvement est né de l'augmentation du prix de l'essence. Mais ce n'était qu'un prétexte qui traduisait, selon moi, le désir d'être à nouveau ensemble, de se retrouver, sortir de l'isolement. Ce mouvement est de plus en plus fort dans nos sociétés.

    Cet arrangement continuel, qui consiste à se «dépatouiller avec ce qui présente» n'est-il pas un retour en arrière ? Un peuple qui a renoncé à agir est-il voué à sa perte ?

    Je ne crois pas. J'y vois une forme de sagesse populaire. Nous sommes dans un pays où, souvent, les élites méprisent le peuple et cultivent une défiance à son égard. La philosophie de l'Histoire au XIXe siècle, ce qui s'est constitué ensuite dans le communisme soviétique, c'était cette conception d'une histoire assurée d'elle-même, la flèche du temps.

    Le retour du sacré, l'importance accordée au local et au retour des traditions, traduisent une forme d'enracinement dynamique, qui est à l'opposé d'un retour en arrière. Seules les racines et le retour aux racines permettent une forme de croissance.

    Michel Maffesoli (Figaro Vox, 30 janvier 2023)

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  • Le temps des peurs...

    Les éditions du Cerf viennent de publier un nouvel essai de Michel Maffesoli intitulé Le temps des peurs

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019), La faillite des élites (Lexio, 2019) ou  L'ère des soulèvements (Cerf, 2021).

     

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    " Nos peurs peuvent-elles être instrumentalisées ? Oui, répond Michel Maffesoli qui montre comment une élite centrée sur les anciennes valeurs productivistes et individualistes " invente " sans discontinuer de nouveaux dangers, pour normaliser et contraindre les comportements individuels.

    La peur est un sentiment intemporel, propre à une espèce humaine consciente de sa finitude. Dans le passé ces émotions ont été régulées par diverses croyances religieuses et par des rites collectifs. La modernité a développé une idéologie du progrès, laissant accroire que l'homme pouvait éradiquer le mal, vaincre la maladie, voire la mort.
    La gestion de la " pseudo-pandémie " s'est inscrite dans cette idéologie scientiste, rationaliste et les diverses élites au pouvoir (politiques, hauts fonctionnaires, experts médiatiques et médiatisés) ont amplifié les dangers, pour justifier la restriction des relations sociales et ce qui constitue en général l'essence de l'Être-ensemble.
    L'auteur analyse ici la stratégie utilisée par le pouvoir : déni de la mort et de la finitude, utilisation de la scène médiatique, stigmatisation de tout mise en cause de la doxa. Il s'attache à inscrire cette critique dans l'idéologie moderne qu'il estime dépassée par les changements de valeurs à l'œuvre dans la société de base.
    Les divers mouvements de rébellion du peuple s'inscrivent en effet dans un refus de l'idéologie progressiste et réhabilite un ordre naturel que la modernité avait cru dépassé. Nous assistons un retour de la Tradition. "

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  • Violence sociale : la lucidité de Dionysos...

    Le 19 décembre 2022, Rémi Soulié recevait, sur TV libertés, Michel Maffesoli à l'occasion de la réédition de son essai, L’ombre de Dionysos (Cerf, 2022).

    Penseur de la post-modernité, ancien élève de Julien Freund et de Gilbert Durand, Michel Maffesoli a publié récemment  Les nouveaux bien-pensants (Editions du Moment, 2014) , Être postmoderne (Cerf, 2018), La force de l'imaginaire - Contre les bien-pensants (Liber, 2019) ou, dernièrement, La faillite des élites (Lexio, 2019).

     

                                                 

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  • Sécessions adolescentes : les nouveaux mutins de Panurge...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Paul-Élie Aengler cueilli sur le site de la revue Éléments et consacré aux sécessions adolescentes au sein du système éducatif de l'archipel français...

     

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    Sécessions adolescentes. Les nouveaux mutins de Panurge

    S’il est un lieu où chacun peut observer les nombreuses et diverses sécessions qui traversent la France, c’est bien l’école. Tout professeur en a conscience : l’école n’est plus le moule civique et culturel qui « fabriquait » des Français. Bien au contraire, c’est désormais à l’institution scolaire et au savoir académique de s’adapter à « l’archipel français », pour reprendre l’expression de Jérôme Fourquet.

    Dans toutes les salles de classe, les nouveaux clivages culturels et ethniques apparaissent aujourd’hui de manière évidente. Certes, cela fait longtemps que les sociologues analysent les différentes tribus adolescentes qui peuplent depuis Mai 68 les cours de récréations des collèges et des lycées : « gothiques », « geeks », « racailles », « rockeurs », autant d’affiliations possibles pour adolescents en quête d’une identité à la fois grégaire et rebelle. Ces clans formaient jadis un ensemble de contre-cultures opposées à la culture officielle condamnée depuis Bourdieu comme « bourgeoise » par toute une partie du corps enseignant lui-même. Pourtant, la situation actuelle offre aux yeux du professeur attentif quelques traits inédits.

    Cultures et contre-cultures scolaires

    C’est la culture classique qui n’existe plus, du moins en tant que culture de référence, que ce soit parmi les élèves ou dans le contenu des enseignements. À l’exception de quelques grands lycées de centres-villes, la plupart des élèves n’ont pas la moindre idée de son importance. Leur propre civilisation leur est désormais essentiellement étrangère, puisqu’elle est assimilée à une simple collection de vieilleries dénuées de sens : à quoi bon Molière ou Descartes alors que leur compréhension nécessite un effort que la tyrannie de l’immédiateté a aboli ? Tout converge vers une simplification de la langue. Ce phénomène explique l’effondrement de la maîtrise de la langue française, mère de toutes les sécessions scolaires. À cet égard, on peut se reporter au précieux réquisitoire du professeur René Chiche dans La désinstruction nationale (2019, Ovadia). Celui-ci a le courage de parler de « quasi-illettrisme » pour désigner cette implosion de la langue commune constatée lors de la correction de centaines de copies du baccalauréat « écrites en un charabia qui emprunte vaguement au français comme à une langue étrangère ».

    Quant aux professeurs, soit ils ne connaissent plus cette culture de référence, soit ils en ont honte ou sont forcés de s’avouer vaincus par l’esprit du temps : l’autocensure et la simplification du savoir triomphent, fût-ce au prix d’un énième renoncement. Certes, il y a encore quelques chaînes de transmission qui fonctionnent, quelques élèves attentifs à ce legs du passé, mais ces élèves ne font que survivre dans un univers désormais hostile à l’idée d’une hiérarchie culturelle. C’est la grande bascule : l’ancienne culture de référence est devenue une contre-culture minoritaire à l’école, un des nombreux ilots de l’archipel scolaire – et ce parmi les élèves et les professeurs. Voilà la première condition de la sécession, lorsque la norme devient l’exception et l’exception la norme.

    Parmi toutes ces contre-cultures qui se font face, n’y en-a-t-il aucune qui ne tende alors à dominer les autres ? Il serait naïf de ne pas le croire, car la nature a horreur du vide. Dans la plupart des établissements, l’évolution démographique a tranché : c’est désormais l’Islam, même mal connu et parce que mal connu, ainsi que la culture rap qui dominent les mentalités. Concernant l’Islam, la plupart des élèves accordent à la religion musulmane le prestige que la catholique assumait jadis : dans les cours de biologie et de philosophie, la nouvelle norme du sacré est bien islamique. Combien de professeurs ont-ils affronté l’incrédulité généralisée concernant l’évolutionnisme ? Et parce qu’authentiquement sacrée aux yeux de la plupart des élèves, musulmans ou non, c’est une norme avec laquelle il faut nécessairement composer, en tant qu’élève dans la cour de récréation et en tant que professeur dans la salle de classe.

    Sur le Coran, ma mère !

    Le cours de philosophie sur la religion se résume souvent à un défi insurmontable. Impossible de rester dans le cadre théologique chrétien, pourtant parfaitement acclimaté à la rationalité grecque, puisque ces références sembleraient exclure les élèves de confession musulmane et que tous les élèves, non-musulmans compris, trouveraient à y redire. Impossible également de discuter des dogmes et textes musulmans, puisque le professeur oserait s’immiscer dans la sphère du sacré partagée par la plupart des élèves : la nouvelle bigoterie est d’origine coranique mais intériorisée par tous. Les « wallah » et « sur le Coran » constituent d’ailleurs la trame de fond des récréations comme des interclasses. Plus étonnant, les enseignants découvrent à quel point certains élèves chrétiens en minorité revendiquent avec fierté la pratique du carême, copiant inconsciemment celle d’un ramadan devenu prépondérant dans de nombreux établissements. C’est donc la déférence vis-à-vis de l’Islam qui sert de référence commune de remplacement.

    Concernant la culture rap, qu’il est désormais absurde de qualifier de « contre » culture, son hégémonie est incontestable, y compris dans les lycées plus bourgeois où le survêtement et le rap ont depuis quelques années écrasé la concurrence. Les paroles et l’imaginaire de ce genre musical lui octroient désormais le monopole de la subversion, de la véhémence et de la virilité. La victoire est donc revenue à la tribu la plus agressive. Mais dans les lycées périphériques, exhiber cette obédience n’est pas seulement un signe de bon goût adolescent, c’est surtout un moyen d’intégration, voire de survie sociale. Pour les garçons, adopter les codes sociaux du groupe dominant laisse espérer une immunité contre le harcèlement. Les filles elles-mêmes ne s’y trompent pas : adopter les codes de la « rue » est un mécanisme de défense fort efficace pour se faire respecter.

    La colonie de nos colonies

    Évidemment, cette nouvelle culture dominante à mi-chemin entre la Mecque et les États-Unis a un même terreau : l’immigration massive des dernières décennies. « La Grèce conquise a conquis son farouche vainqueur », disait Horace (Épîtres, II) : par l’un de ces retournements dialectiques dont l’histoire a le secret, les descendants des populations anciennement colonisées imposent désormais consciemment et inconsciemment leur spiritualité et leur esthétique aux autochtones qui se doivent de faire allégeance. Le nomadisme identitaire a remplacé la culture sédentaire anciennement majoritaire, puisqu’il est désormais honteux de ne pas avoir d’origines : quand on est un « petit Blanc », on en vient à déterrer des aïeuls italiens ou polonais pour cultiver son extraterritorialité.

    Ainsi, à l’école, les minorités devenues majoritaires sont maintenant capables de tyranniser la majorité devenue minoritaire. Cette matrice sécessionniste à laquelle tout le monde semble se résigner a de nombreuses répercussions, y compris pour les rares familles qui semblent encore y échapper : contournement de la carte scolaire, établissements privés, cours particuliers. C’est alors le tribalisme multilatéral qui surgit pour compenser la désaffiliation culturelle, ainsi que le notait déjà Michel Maffesoli dans Le temps des tribus (1988) : « Le tribalisme rappelle l’importance du sentiment d’appartenance à un lieu, à un groupe, comme fondement essentiel de toute vie sociale. » Et dans les lycées lambda, les tribus adolescentes sont en passe d’être submergées par la plus prosélyte et la plus féconde d’entre elles. Au monde de Michel Maffesoli, répond ainsi celui de Philippe Muray, matons et mutins de Panurge.

    L’école et le monde de demain ne seront pas le paradis de l’intersectionnalité mais l’enfer de l’incommensurabilité : un espace conflictuel sans culture véritable, c’est-à-dire sans commune mesure capable de transcender les tribus particulières.

    Paul-Élie Aengler (Site de la revue Éléments, 11 octobre 2022)

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